Quatrième de couverture : Orage est un petit seigneur des ténèbres. Comme son père et son grand-père avant lui, son destin est tout tracé : il devra un jour enlever une princesse et perdre le combat contre le chevalier qui viendra la sauver. Tout ceci ennuie déjà beaucoup Orage, et plus encore les leçons interminables qu’il reçoit pour devenir un vrai méchant !
Son idée ? Enlever la princesse immédiatement pour être débarrassé et faire enfin ce qui lui plait !

 

Avis : Attention, énorme coup de cœur. J’en parle partout autour de moi, même aux adultes sans enfants, tant cette lecture m’a enthousiasmée. Déjà que je suis bon public en matière de littérature jeunesse, mais si en plus l’auteur fait en sorte que ça touche les enfants et les adultes en même temps, que voulez-vous, moi, ça me met dans tous mes états. Bien sûr, maintenant que je sais qui est l’auteur, je ne suis qu’à moitié étonnée.

La mise en scène du début est d’une efficacité redoutable ; je suis rentrée dans l’histoire en quelques pages. On comprend tout de suite que l’enfant en a marre de l’histoire que sa mère est en train de lui raconter pour la énième fois avant d’éteindre. Elle, par contre, semble y prendre beaucoup de plaisir et ne s’en lasse pas. Comme si les rôles étaient inversés. Il s’agit en fait d’une leçon déguisée sur comment être un vrai méchant et toujours perdre à la fin, parce que c’est comme ça. Le méchant enlève la princesse, le prince vient la sauver et le méchant perd. Le prince épouse la princesse et ils eurent beaucoup d’enfants. Autant dire qu’on est tout de suite dans le camp d’Orage dont l’avenir est tout tracé : il sera le méchant de l’histoire, parce que c’est comme ça. Franchement, qui aime les parce que c’est comme ça et leur absence de justification ?

L’illustration de la page 10 a fini de me convaincre. Je suis tombée sous le charme du style graphique de Carine-M. Il est mignon et plein de clins d’œil adressés à l’enfant auditeur. Souvent, l’adulte lecteur regarde l’image du coin de l’œil pendant qu’il lit le texte, là, il est invité à s’y attarder aussi.

S’enchaînent ensuite des prises de mauvaises décisions, de grands moments épiques, des voyages sur le dos d’un dragon et quelques gags très visuels dont je ne me suis pas encore tout à fait remise. L’auteur maîtrise l’art du contre-pied à merveille et se joue avec habileté des clichés des contes de fées. Ici tout n’est que bonne éducation des uns et des autres pour rentrer dans le moule et ne pas perturber l’ordre établi. Ordre établi par quoi ou qui d’ailleurs ? Eh bien, vous le saurez en lisant ce livre. On voit bien quelle sera la morale de l’histoire, mais c’est sans compter sur toutes les subtilités, sur l’humour, sur les pas de côté et des personnages secondaires sacrément bien campés qui rendent l’aventure si fantastique.

Ce livre offre une réflexion sur les notions de bien et de mal (on pense immanquablement à Monstres et cie et à Incassable), sur la capacité à penser par soi-même pour se faire sa propre opinion, sur l’émancipation. C’est aussi magiquement féministe. C’est drôle, touchant, futé, enjoué. Quel coup de pied dans le fondement des contes. Merci Odieux Connard !

Nous faisons le mal, mais nous le faisons bien.

 


Informations sur l’édition :
Format broché
Éditeur : Poulpe fictions
Illustratrice : Carine-M
Sortie : 26 avril 2018
162 pages
ISBN : 978-2377420131
Trouvable en occasion