Quatrième de couverture : Lynesse Quatrième Fille, princesse de Praimesite, n’ignore rien de la légende : le grand Nyrgoth l’Aîné a jadis usé de ses pouvoirs pour libérer le royaume du terrible Ulmoth. Aussi, quand un redoutable démon voleur d’esprits apparaît dans l’Ordibois, Lyn n’a guère le choix : il lui faut aller requérir l’aide du sorcier, au nom du pacte qui lie ce dernier à la famille royale depuis trois générations. Or, Nyrgoth, de son nom véritable Nyr Illim Tevitch, n’est autre qu’un anthropologue terrien venu sur la lointaine planète Sophos 4 à seules fin d’études – en toute discrétion, et sans interférer. Une règle d’or qu’il a déjà brisée du temps d’Astresse, la grand-mère de Lyn. Acceptera-t-il de sauver une nouvelle fois ce monde, quitte à bafouer les lois qui lui sont imposées ? Et quand bien même, pourra-t-il seulement vaincre le démon en question ? Entre devoir et morale, la rencontre de ces deux êtres inconciliables pourrait bien changer l’ordre des choses…

 

Avis : Très honnêtement, la quatrième de couverture n’est pas des plus vendeuses. Elle est complexe, avec beaucoup d’informations et de noms inhabituels. À première vue, pas de doute, il s’agit bien d’un court récit de fantasy. Sauf qu’au milieu, il est question d’un anthropologue terrien et de la planète Sophos 4. C’est finalement ce qu’il faut retenir : Le Dernier des aînés est la rencontre de deux genres qui répondent à des codes très différents. Et le résultat est bluffant.

Cette lecture représente un exercice intellectuel à la fois stimulant et divertissant. L’auteur a fait un choix très judicieux en confiant la narration à deux personnages : Lynesse, une princesse qui sera la voix de la fantasy, et Nyr, un anthropologue qui représente la science-fiction. Les deux vivent la même aventure, mais leur appréhension des événements est très différente. On se retrouve donc sans arrêt balloté·e·s entre leurs points de vue sans savoir exactement sur quel pied danser puisque l’une n’a pas les clés nécessaires pour comprendre la technologie (qui est de la magie à ses yeux) et l’autre ne peut que spéculer sur la base de ce qu’on lui raconte et reste dans le flou.

Pour complexifier les choses, l’anthropologue et les peuples autochtones ne parlent pas la même langue. Non seulement, Nyr ne se réveille que ponctuellement pour observer, donc doit mettre à jour son dictionnaire à chaque fois, mais il est en plus équipé d’un traducteur embarqué qui masque automatiquement certains mots-clés pour ne pas trahir son identité et sa mission. Ainsi, quand il dit « scientifique », les autres entendent « magicien ». Ce qui crée bien entendu des moments de malaise. L’idée derrière cet interfaçage étant de ne pas parasiter ce monde médiéval exempt de toute technologie avancée pour le laisser se développer à son rythme. La nature du démon, comme l’appellent les locaux, reste donc suspendue à l’expertise du magicien-ethnologue qui sera seul capable de nous expliquer ce que nous avons vraiment sous les yeux. Et peut-être de sauver les habitants de la planète aussi.

Le Dernier des aînés est une novella d’une efficacité redoutable. En très peu de pages finalement, Tchaikovsky construit un monde, y implante des personnages attachants et déroule une intrigue qui tient en haleine, tout en invitant les lecteurs et lectrices à jouer avec lui avec les différences culturelles et lexicales entre deux peuples et entre deux genres de l’imaginaire.

 


Informations sur l’édition :
Format broché avec rabats
Éditeur : Le Bélial’
Traduction : Henry-Luc Planchat
Illustration de couverture : Aurélien Police
Sortie : 31 août 2023
192 pages
ISBN : 978-2-38163-094-6
Prix : 11,90 €
Disponible en numérique : 6,99 €